Mars / Avril

Samedi 1er mars
Jeudi dernier, dans la matinée, une violente explosion au gaz, en plein cœur de Lyon : un pompier décédé et une quarantaine de blessés. Le lieu, à moins de deux cents mètres de la place de l’Europe où j’ai résidé quelques années et à deux pas du Monoprix où je faisais mes courses.
Curieux sentiment de voir aux journaux télévisés et en photos sur Internet cette partie du Cours Lafayette jonchée de gravas, avec d’énormes flammes sortant du sol…
L’enquête devra déterminer les responsabilités.

Vendredi 7 mars, 23h30
Période de surcharge professionnelle qui laisse peu de place pour l’approfondissement diariste.
A noter, tout de même, le suivi contrasté avec Alice qui ne manque pas, à chaque occasion, d’exprimer sa haine et son dégoût de son géniteur, le « miasmique » Heïm. Fascinante et interloquante rupture qui l’a fait me soupçonner de n’être pas encore maître de ma plume et de mes penchants pamphlétaires. 
Comme si le feu inspirateur opérait encore clandestinement, à mon insu même, en moulant ma forme d’expression excluante. Ces attaques larvaires, revendiquées ironiques, attisent ma grogne tout affective soit-elle.


Dimanche 9 mars, 0h34
Agréable soirée avec la famille paternelle dans notre nid lyonnais : mets confectionnés par ma BB, puis festif visionnage d’Astérix : mission Cléopâtre. La patte Chabat demeure d’une infaillible efficacité pour le rire démultiplié.
Premier tour des municipales : pour affirmer mon devoir citoyen, j’aborderai ces élections avec un prisme exclusivement local. L’actuelle équipe Collomb me convient, et ce d’autant plus face à l’artificielle implantation de l’ex ministre Perben.

Dimanche 16 mars

Angles de vie
Alors que les Gens du Nord de mon Journal ne m’enchantent plus depuis bientôt une décennie, voilà une décade que le sourire me vient lorsque je songe aux ch’tis de Boon. La fraîcheur de ce film, même s’il puise la mécanique de quelques quiproquos langagiers dans l’efficace Dîner de con, ravit, rassure sur l’existence d’un populaire chaleureux, bon enfant, bourvilien.
Cette fête à l’âme m’incite à effectuer mon devoir de citoyen, limité pour ce dimanche à la plus agreste des élections, les cantonales : comme un printemps de l’électorat. Notre bon Gérard Collomb aime Lyon, et notre arrondissement le lui a bien rendu.
A deux pas du bureau de vote, sis dans une jolie petite école primaire classée, aux pierres de taille apaisantes, j’ai participé au dépouillement et fleuré, dès la première centaine de bulletins, la performance de notre maire sortant. J’ai alors profondément ressenti, comme fondu dans ce réjouissant résultat, que mon exil volontaire des terres picardes avait laissé toute sa place à un serein ancrage lyonnais aux côtés de ma BB. Notre élu Collomb m’offrira donc de belles balades des bords du Rhône aux futurs bords de Saône sur un vélo’v confortable. Je lui souhaite le plus constructif des mandats.
Goûter cet angle de vie, mais rester sans indulgence pour ce qui se profile par le délire des fous furieux de l’économie virtuelle, une espèce de syndrome Kerviel. Le sujet serait-il minoré par les grands médias, qui lui ont préféré le plus vendeur fait divers du trader avec ses gros pâtés boursiers, en raison d’une panique monstre qui suivrait le premier signe d’un effondrement de notre système financier ? Les nouvelles cumulées, dans les pages intérieures de journaux rébarbatifs pour le grand public, et les analyses de certains spécialistes laissent augurer que le Tchernobyl économique ne nous épargnera pas, là où le directeur de la Banque de France psalmodiait du « Tout-va-très-bien ! ». Que les trois plus importantes réserves étatiques de l’Occident injectent quelque deux cents milliards de dollars dans les circuits financiers, sans que cela rassure durablement les actants grégaires de l’économie virtuelle, suffit pour pressentir le pire.
Jamais je ne me suis adonné à ce petit jeu du boursicoteur en herbe ; en revanche, je suis contraint, par le contrat social, de laisser le petit pécule gagné à la disposition des frileux opportunistes qui s’excitent sur les rumeurs pour forger, de fait, l’économie mondiale. La gabegie des subprimes a infecté tous les réseaux financiers : la malfaisance des responsables sera occultée et les Etats viendront éponger les pertes, dans le meilleur des cas. Pendant ce temps, les fonds souverains d’autocraties (pour certaines revendiquées communistes !) se dorent les bourses en pleine croissance…

Finalement, revenir à l’univers de proximité, aux êtres chers encore de ce monde ou disparus. Centrer ses sens sur la complicité duale de belles âmes choisies pour ne pas sombrer dans de barbares représailles. Ainsi, mon aimée grand-mère, disparue fin 2006, et qui me manque pour toujours et à jamais. S’emplir de son souvenir et embrasser un bel angle de vie.

Samedi 22 mars
Se sentir porté par la frustration accumulée, jusqu’à se revendiquer enragé. Pierre Viansson-Ponté avait pressenti, dans les colonnes du Monde, deux mois avant le paroxysme insurrectionnel et une semaine avant le mouvement de Cohn-Bendit et quelques autres, l’impasse sociale d’une France à bout de souffle.

Dimanche 23 mars

Une politique étrangère… au monde
Piteux profil de notre politique verbale étrangère ! N’envisageons même pas les actes : le néant sidère.
Lorsqu’il s’agissait de s’élever contre les Etats-Unis, boutefeux pour un messianisme occidentalo-démocratique, la France, par le verbe villepinien et la stature chiraquienne, tenait son rang. Certes, je ne partageais pas cet entêtement à laisser le sanguinaire Hussein se jouer ainsi de la communauté internationale, mais il fallait reconnaître la dignité d’une position maintenue malgré les représailles économiques.Ce qu’on a pu faire naguère avec la première puissance mondiale, le suractif président Sarkozy ne peut l’insuffler face aux obscénités diplomatiques d’un Kadhafi, aux escroqueries pseudo démocratiques d’un Poutine et, aujourd’hui, aux férocités répressives des potentats chinois.
Faut-il laisser l’Allemagne et la Grande-Bretagne condamner ces dérives sanglantes sans que cela nous inspire ? Est-ce ainsi que se prépare le terrain de la présidence française de l’Union européenne ? Ronds de jambe, sourires crispés, langue avalée, porte-monnaie quémandeur… Terne, bien terne coloration de notre politique étrangère : aucune vision enthousiasmante possible, sauf à être aussitôt ratatinée à sa portion congrue. Citons, pour l’oublier dans l’instant, l’Union de/pour la Méditerranée phagocytée par le poussiéreux processus de Barcelone.Le fort en gueule Kouchner a parfaitement assimilé les règles de la realpolitik au point de dépasser sa cousine socialiste, Ségolène Royal : là où elle s’extasiait de l’efficacité de la Justice chinoise (un modèle du genre, en effet, pour l’exécution des sentences de mort, avec facturation de la balle utilisée à la famille du condamné), il lâche, marquant le paroxysme d’une diplomatie de tiroir-caisse, les « formidables progrès » pour les droits de l’homme de l’administration Hu Jintao. Sa rectification, en forme d’euphémisme honteux – « ce ne sont pas des progrès quand on tire dans les rues » au lieu d’un plus clair quand on assassine des opposants tibétains – laisse songeur sur la ligne indigne suivie par le french doctor. On se souvient pourtant, avant qu’il ne goûte au maroquin, de sa verve prête à déplacer des montagnes et qui, désormais, ne soigne plus que de sonnants et trébuchants intérêts.
Le candidat UMP s’était, lui, engagé à tourner la page d’un Quai d’Orsay trop complaisant sitôt que se profilent quelques juteux contrats. Résultat : on vire Bockel qui l’ouvre un peu trop sur une nauséeuse politique française en Afrique, donnant ainsi raison aux quelques indignitaires bénéficiaires de nos largesses. Ne surtout pas abandonner une parcelle fructueuse du continent noir à ces chers communistes chinois…
L’hôte de l’Elysée a flanché par son talon médiatique et tente une nouvelle stratégie : reprendre les fondamentaux de la Ve pour atteindre une certaine hauteur présidentielle. Doit-il, pour autant, s’élever jusqu’à devenir inaudible sur un tel sujet ? La distance du chef de l’Etat confine à la spécialisation dans les chrysanthèmes au point de délaisser son devoir premier : faire entendre la voix de la France face aux flagrantes violations des droits de l’homme, ceux que Kouchner identifie en plein essor dans cette même zone du monde.L’OCDE table sur une récession américaine qui ferait s’effondrer cette année la croissance des Etats-Unis (1,4 %) sous celle encore accordée à la France (1,8 %), quelque peu protégée par la zone euro. Cette incroyable nouvelle économique ne vaut-elle pas quelques contrats sacrifiés par nos dirigeants français pour atteindre, enfin ! une diplomatie à hauteur d’homme ?
« La liberté c’est le droit au silence » portait un mur de Censier en 1968 : pas sûr que ce soit un précepte respectable pour notre si étrange politique étrangère…

Jeudi 27 mars
Comme presque chaque soir de cette semaine, brève plongée dans quelques pages de La mort est mon métier de Robert Merle, paru en 1952. Bien avant Les bienveillantes, ce roman tente de tracer le profil complexe des bourreaux nazis par une approche intrinsèque qui nous fait assister au fonctionnement mental des criminels ordonnés. Edifiant.
Et voilà que des journalistes français évoque une Carlamania naissante en Grande-Bretagne, et qui pourrait bien passer la Manche, après l’admirable prestation de l’épouse présidentielle lors de la visite d’Etat achevée ce soir.
Moi, c’est en 1995 que j’ai écrit sur cette femme intelligente, sensible, raffinée et possédant l’extrême sens de la situation. Mon Brûlant hommage à Bruni n’a pas dépassé les pages de ce Journal, mais était destiné à paraître dans un projet de feuille de presse gratuite qui ne vit jamais le jour (initiative de Maryline R.). Treize ans plus tard, elle est la première dame de France et confirme tout le bien que je pensais d’elle.

Samedi 29 mars
Le spectacle judiciaire va connaître l’une de ses plus atroces représentations pour deux mois d’horreur exhaustive. La promotion en a été faite quelques semaines durant par des médias rappelant, sporadiquement, la date d’ouverture et diffusant des documentaires sur le couple monstrueux.Enfin, la première audience et l’abject Fourniret qui tient, sans décevoir, son sinistre rôle, ergotant sur la publicité du procès et ne souffrant pas la présence dispendieuse d’avocats commis d’office : trois pour digérer un tel dossier.
Sa compagne, pour le macabre et pour le pire, a tenté l’apparente contrition : physique transfiguré pour faire oublier sa brune noirceur.

Lundi 31 mars
Ce soir, au Franc-Parler d’Itv, l’économiste Cohen confirme l’alarmisme que je développais dans ces pages le seize courant. La possibilité d’une implosion du système financier américain nécessiterait l’intervention de l’Etat et de la banque fédérale pour l’équivalent du PIB annuel français, soit deux mille milliards de dollars.
A folie financière, enragé judiciaire : Fourniret le sordide laisse couler ses abominations suite à l’émouvant témoignage de celle grâce à qui il a pu être neutralisé. Son effroyable cynisme ne peut que s’épanouir, prospérer dans la procédure qui préserve les droits des accusés, et bien heureusement d’ailleurs pour ce dernier point. Seul souhait : qu’il ait les plus difficiles conditions carcérales possibles.


Samedi 5 avril

Vivre ! Ingrid Betancourt
Plus de six ans d’enfermement dans l’enfe
r kaki des FARC. Criminelle, Ingrid Betancourt Pulecio ? Selon la qualification pénale française de la durée de la peine imposée : oui… ou récidiviste invétérée.
Admirable femme qui se meurt de trop de dignité, d’une débordante humanité, d’une fidélité à ses convictions.
Jusqu’à ce 23 février 2002, une douceur de vie à l’irrésistible ascension : entre les bureaux ministériels de Colombie et le prestige parisien de l’Unesco, l’enfance se nourrit du sens de l’autre et favorise la noblesse politique.
Aiguiser sa maîtrise des idées au sein du bouillonnant IEP, là où elle entendra résonner le timbre du chevaleresque, et alors professeur en exercice, de Villepin. S’enrichir des multiples doctrines, des parcours heurtés ou fugitifs, des talents épanouis pour affirmer sa volonté de changer son pays pour qu’il tende vers ce que l’on croit bon pour lui. Voilà l’élan pour la Colombie de cette femme lumineuse. L’engagement politique par le suffrage des urnes : jauger les arcanes de l’exécutif puis tester sa légitimité par la conquête du législatif. Insolente réussite, sans doute, mais qui aurait tant apporté à ce pays en lutte interne si de pseudo révolutionnaires, d’authentiques criminels, n’avaient brisé cet envol.
Dix ans, pour son parti Oxigeno Verde, orphelin pour plus de la moitié de son existence. La voie vers la présidence colombienne a violemment bifurqué vers les rives barbares.Sa résistance première s’est faite sur cette route de Florencia à San Vicente del Caguan, implacable piège. On lui refuse les airs, elle s’obstine à rejoindre son objectif par les terres, si truffées de guérilléros puissent-elles être. Ne pas entacher sa campagne présidentielle par un renoncement en rase contrée. La lumineuse résistante est toute entière dans cet acte : plutôt entravée debout que libre courbée.
Mais aujourd’hui, les affres, puis la mort seraient la seule libération possible ? Atroce épilogue pour un être qui peut tant insuffler à son pays… Impossible de s’y résoudre. Lignes passionnées pour espérer une renaissance. Trop de tentatives avortées, de démarches à l’aveugle, d’initiatives éperdues pour ne pas croire encore et plus que jamais à sa résurrection au sein des siens.
Que ceux qui la retiennent, elle comme des milliers d’autres otages à ne pas oublier, aient bien conscience du terrible poids d’une universelle condamnation si elle devait expirer sous leur joug. Dans La mort est mon métier, de Robert Merle, le futur maître du camp d’Auschwitz, alors simple ouvrier en usine, assène son postulat de vie : « On me confie une tâche, et mon devoir est de la faire bien, et à fond. » Il est temps pour eux, aujourd’hui, de dépasser leur mission, de ne plus être ces barbares consciencieux pour distinguer leur devoir d’humanité.
A Ingrid Betancourt, sans retenue !

Mercredi 9 avril, 23h17
Curieux comme l’opinion mondiale, dans sa partie médiatisée, a délaissé les ressentiments contre les messianiques américains pour concentrer leur haine sur le pouvoir chinois. La gestion des révoltes tibétaines a horrifié les mêmes qui ignoraient l’impitoyable autocratie communiste à l’expansionnisme économique entretenu.
Attribuer les J.O. à la Chine, c’est d’abord remettre le peuple chinois au cœur de la communauté internationale. Pour le reste, des engagements pris par le pouvoir qu’on ne pouvait sérieusement croire.

Lundi 14 avril, 22h39
Calme dans mon existence, tourbillons dans l’actualité. Rien de transcendant dans ces semaines pro qui défilent. L’activité se fait de plus en plus comme une obligation alimentaire et non pour un quelconque plaisir de faire. Fondamentalement, cela me barbe. L’ambiance à Cqfd n’est pas si mirifique : quelques tensions dévoilées, une démission acceptée, des agacements de part et d’autre… Rien de cataclysmique, mais de navrantes failles qui s’imposent.
L’actualité virevolte : des obscènes entêtements du criminel Fourniret à la magistrale libération des otages sur le Ponant, la palette s’ébroue.

Mardi 15 avril, 22h26
Ce soir réunion, dans la cage d’escalier, avec quelques copropriétaires et ceux qui sont chargés de changer la colonne EDF. Une charge financière conséquente pour mon salaire modeste qui a nécessité une épargne depuis plusieurs mois, non encore achevée alors que le premier versement doit intervenir ce mois-ci.
Les polémiques intra gouvernementales, avec couverture médiatique disproportionnée, se multiplient : vraie dérive de l’équipe ou enfumage volontaire pour permettre aux réformes douloureuses de s’exécuter presque clandestinement.
PPDA se lâche au JT du soir, commentant l’indigne tortillement du cul du comité olympique français qui remet en cause le port, par les athlètes, d’un badge avec la mention « Pour un monde meilleur », expression qui apparaîtrait pourtant dans la charte de l’olympisme. Quelle pitoyable courbure d’échine pour ces autorités aux ordres. Le journaliste a donc rappelé que la formule du badge « ne cassait pourtant pas trois pattes à un canard laqué » ! Agacement de mise.

Vendredi 18 avril, 22h43
Mollesse généralisée pour aborder cette semaine de congés après une période chargée en heures de FFP (face à face pédagogique) : à cumuler un débat sur les émeutes de la faim – émission Ce soir (ou jamais !) d’hier – sur le trafic d’organes dans C dans l’air et les deux derniers volets de The War, le moral sombre face à tant d’horreurs. Là où je devrais exulter de cette parenthèse régénérante au sein de l’intense activité professionnelle, je me laisse imprégner par la seule humeur qui puisse accompagner ces terribles dérives humaines : la triste morosité. Pas l’envie de poursuive.

Samedi 19 avril
7h30. Et pour couronner la soirée d’hier, pages de La mort est mon métier, immersion dans le cortex trop bien ordonné du pas encore commandant d’Auschwitz.
Matinée physique à participer au déménagement d’une collègue de BB. Ça passe le temps…

Dimanche 20 avril

Le ramolli mois de « mais » !
La contestation, cru 2008, va tenter, vainement, de se hisser à la hauteur de son aînée quarantenaire. Non point qu’il faille, raisonnablement, trouver une quelconque filiation idéologique entre ces deux ires estudiantines, mais la comparaison instinctive s’imposera si l’ampleur des grognes printanières se dessine.
A ceux qui voulaient mettre à bas le système social des Trente Glorieuses, répondent aujourd’hui les adversaires de toute atteinte aux effectifs en charge de l’enseignement public. Pas d’envolées politico lyriques dans cette défense du statu quo : juste le souci de l’immobilisme, à défaut de pouvoir obtenir un plus-de-dépenses non assuré d’engendrer de meilleures performances.
« Rétablissement des postes supprimés et [de] ceux transformés en heures supplémentaires ; pas plus de 25 élèves par classe ; maintien du BEP et de la carte scolaire ; rétablissement des filières, options et classes supprimé[e]s ; embauche des personnels nécessaire[s] ; régularisation des élèves sans-papiers ; non application du rapport Pochard. » : voilà l’appel de la coordination nationale lycéenne. Pour contribuer à leur mouvement, utile au regard d’acquis déficients, je leur ai signalé, entre crochets, trois belles fautes dans leurs revendications. Juste pour rire…
Un Etat de droite contraint de saisir l’opportunité d’un départ massif à la retraite de la génération qui voulait changer le monde, pour tenter de dompter l’irrépressible abysse budgétaire. Les grognes sourcilleuses de la Commission européenne et le sens de la responsabilité politique l’imposent. Comment insuffler une austérité financière sans toucher aux effectifs pléthoriques de l’Education nationale ? L’initiative reste homéopathique – 11 200 postes non renouvelés sur 1 153 705 personnes (chiffre de 2005), soit 0,97 % de la masse salariale – et pourtant : le « pas touche ! » lycéen émerge et voudrait mettre à profit l’avant saison printanière pour enfler et s’offrir un joli (et bruyant) mois de mai.
Dates prises avec la sphère fonctionnaire pour défiler contre l’Etat politique, mais pour toujours plus de fonction publique d’Etat. Reste à dénicher le prétexte catalyseur : la malheureuse petite phrase désobligeante du ministre Darcos, la prestation intransigeante du Fillon de Matignon ou, délectable paroxysme à guetter, l’écart langagier d’un Elysée sarkozyé. Jubilation des immobilitionnaires, à coup sûr ! Les syndicats tenteront alors la jonction : contrairement aux indigestes pavés de leurs parents, les sages objectifs de la génération 08 peuvent s’accorder avec les à-coups syndicaux pour un ‘tit gain social. Contrepouvoir nécessaire qui ne sortira pas des codes de l’Etat de droit.
A cette sonore et mouvante mobilisation se grefferont les féroces nihilistes, les révolutionnaires en manque de soirs sanguinaires, les casseurs aux barbaries urbaines : la frange saprophyte qui surgit à chaque déambulation estudiantine pour prélever de force son dû, selon le modèle primaire de la consommation sans entraves, et détruire à tout va pour soulager ses poussées d’adrénaline. Souvenons-nous des fins de cortèges anti-CPE et de leurs déjections comportementales.
A l’ennui de la jeunesse soixante-huitarde, embarquée dans une frénétique reconstruction par des géniteurs tout en grisaille, obsédés par l’enfouissement des traumatismes de la Seconde Guerre, répond une envie diffuse des huitards du vingt-et-unième : pérenniser les avantages structurels établis par leurs parents et grands-parents, pour ne surtout pas hypothéquer leur chance d’attraper les petits bouts de gras offerts par une France pas encore tout à fait rance…
Quel grand écart, finalement, et même pas douloureux ! D’un côté, l’ardent désir d’ébranler les institutions et l’économie débridée, allant jusqu’à suggérer sur un mur de la vénérable Sorbonne : « Les avantages sociaux, c’est la mort ». De l’autre, la volonté de préserver, de garantir, de renforcer et d’agrandir un modèle branlant, mais rassurant. En somme, en quarante ans, nous voilà passés des arrhes d’une révolution avortée à l’art d’une dévolution sociale fissurée.
Se situer entre ces deux aspirations, cela semble plus facile pour « un qui balance entre deux âges », comme moi, pas encore né aux temps des barricades ensablées et plus au contact des pupitres depuis quelques lustres.
Une petite mise en garde à la génération lycéenne 2008, pour que ses desseins trouvent une voie politique ; je la puise dans les imaginatives prescriptions que le papy-boom avait inscrit dans ses vertes années, au cours d’un mai chahuteur : « Suppression du droit de vote avec la retraite » (Arcades, rue Corneille, Odéon). Sans quoi, aucune chance que la jeunesse actuelle, minoritaire dans la population française, puisse convaincre les dirigeants de l’exécutif d’aller à l’encontre du mastodonte soixante-huitard à l’aube de la quille.
« Il n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes : les veaux et les révolutionnaires. En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires » : boutade relevée sur le mur de l’Education surveillée.

Mardi 22 avril
Ce soir, un docu-fiction de Serge Moati sur le passé « vichysso-résistant » de François Mitterrand. Le réalisateur avoue son étonnement et sa déception lorsque l’ouvrage de Pierre Péan pointa la zone d’ombre. Ce qui surprend, chez Moati comme chez tant d’autres qui semblèrent tomber des nues, c’est le manque total de curiosité.Le magazine Le Crapouillot, certes classé à l’extrême droite, avait consacré plusieurs numéros à ce thème, et le premier dès 1972 ! J’ai en possession ceux de 1984, 1988 et 1990. Comment un esprit fureteur comme celui de Moati n’a-t-il pu découvrir avant ces révélations. Moi, simple adolescent en 1984, j’en savais donc bien plus que nombre des Mitterrandiens… Cela laisse songeur sur la pratique de l’autruche pour préserver la pureté ressentie de celui qu’on adule.
Finalement, n’ai-je pas procédé de la même façon à l’égard de Heïm ? N’aurais-je pu écouter plus tôt le discours alarmiste de mes parents ? Chacun refuse, à un instant donné, ce qu’il perçoit comme des sources infréquentables…

Mercredi 23 avril, 0h23
Déception sur le docu-fiction de Moati, encore trop complaisant, excusant presque tous les choix opportunistes de Mitterrand. De Gaulle est campé comme un bourru falot. Certaines versions contestées du parcours sont entérinées : les prétendues trois évasions, l’existence d’un réseau Morland, la conception précoce de faux papiers, le coup d’éclat salle Wagram… Mièvre, donc, le résultat de ce film qui montre Mitterrand à la tête d’un journal engagé et libre sitôt sa carrière ministérielle retardée. Rien sur sa participation à Votre beauté, magazine fondé par le cagoulard Schueller… Le Fanfan mité s’en sort donc bien… l’histoire a ses chouchous, même chez les sulfureux.

Vendredi 25 avril, 1h28 du mat.
Tout juste couché, je ne peux me dérober à cet appel de la plume pour du ressenti à chaud.
Après un dîner avec les parents B animé de sujets polémiques, visionnage en différé de la prestation du président Sarkozy.
Rien à faire, il faut lui reconnaître une efficacité dans la communication. Le format de l’émission, combinant le décor de l’Elysée pour insuffler du solennel au bling-bling, avec un ton déterminé, sans apparente langue de bois, a touché juste.
Sans doute l’obstination, la férocité journalistique étaient-elles absentes, mais l’agressivité revancharde, à la façon d’un Domenach (commentateur de la prestation sur France 2), aurait été déplacée et sans résultat pour son auteur.
L’impopularité ne cessera pas, mais la perception d’un homme qui entend assumer ses choix politiques, quoi qu’on en pense, s’est renforcée. Alors peut-être un rééquilibrage selon les clivages traditionnels.
Côté journaliste, à noter un David Pujadas accrocheur, un PPDA peu présent, vieillissant et aux UV mal répartis, une Catherine Augé un peu transparente malgré sa sublime chevelure argentée, un Yves Calvi pertinent et sachant transposer son ton Calvi au format d’une interview présidentielle et un Vincent Hervouët tout en nuances incisives, parfois moins adapté au format, qui ont finalement servi l’argumentation du chef de l’Etat.
A chaud : une bonne prestation à l’impact limité.
9h10. La réaction de Ségolène Royal, reçu dans le sept-dix de Nicolas Demorand, n’a, elle, pas brillé par la mécanique pavlovienne de sa critique à tout va de l’émission. Toujours cette désagréable impression de l’entendre éructer en lieu et place d’une argumentation raisonnée.

Samedi 26 avril
De l’estival au bord du Rhône en attendant ma BB. Lecture intensive pour me préparer à cette petite reprise, trois jours d’activité, puis une nouvelle pause de quatre. Les parents de BB, arrivés jeudi soir, passent la journée à Toucieux avec quelques anciens de la famille pour un anniversaire de mariage.
Mon Ramolli mois de « mais ! » publié sur AgoraVox n’a engendré que de très crétines remarques. De moins en moins d’intérêt à me confronter aux haineux qui se dissimulent – pour un retour sur blog bien maigre.

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